Jérôme E.

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10 novembre 2011

Si l’on accepte d’entendre qu’il n’y a rien entre Picasso et Warhol, il faut aussi pouvoir dire qu’il n’existe pas davantage entre Proust et Claire Cros.

Mais qui est-elle ? Qui est Claire Cros ? J’ai repris aujourd’hui ce texte paru en 2004. Un pavé de 1408 pages défini par un logotitre, dont l’auteur est aussi illustrateur et maquettiste. Blanc ne s’appelle donc pas Blanc, même si ce (faut) titre permet de le définir comme ce qu’il est : un travail hors norme et remarquable. Seconde surprise, l’ouvrage est rétropaginé. Vous commencez par la dernière page pour remonter vers la première. OVNI disent ceux qui ne l’ont pas lu. Je préfère l’abréviation anglaise d’UFO (unidentified flying object), elle veut dire la même chose mais fait référence à plusieurs variantes : une chanson de Nina Hagen, un groupe de Hard Music, une série de télévision des 70’s, mais aussi un film, un roman, un jeu vidéo… Blanc est tout cela à la fois, et nul besoin d’une grande imagination pour y projeter toutes ces hypothèses.

Tantôt reggae africain boosté à coup de boites à rythmes lancinantes, tantôt hurlements humains au bord de la torture façon hard-rockeur anti christique, mais aussi gentil feuilleton d’amour naturaliste au point qu’il en devient surréaliste, de ce livre l’on ferait un film hollywoodien sans avoir à retoucher une scène, le scénario est là, il n’y a qu’à se servir, et même un jeu vidéo, oui, dans lequel le lecteur est presque malgré lui à la recherche du sens de sa vie par procuration des personnages. Blanc est tout cela à la fois, lorsqu’en général un livre a du mal à être un seul de ces descriptifs.

L’histoire ? Celle de deux couples de tous les jours. Un croisement d’aventures contemporaines. J’hésite à signifier l’amour avec un grand « A », même si Claire Cros lie tout à lui — c’est à dire (aussi) à la haine –, ce serait trop réducteur car la part du reste est essentielle, tout ce qui va avec cet amour qui nous bouffe les tripes et face auquel l’on est aveugle lorsqu’il nous happe. L’auteur sculpte la vie du lecteur en temps réel de sa progression au fil des pages. Nous prenons forme dans ses personnages à travers le refus, l’acceptation, la volonté de dire et de se taire, de faire et s’abstenir, une oscillation permanente entre possible et infaisable. Un livre sur la lâcheté et le courage. Le beau et le laid. La splendeur et la décadence, face auxquelles Claire Cros nous apprend qu’il n’est pas utile d’être riche et célèbre pour les vivre comme des évidences. Elle tire aux forceps les plus infimes et intimes sentiments humains, et c’est une faiseuse d’anges lorsque, par effet miroir des protagonistes, elle vous explose la tête de rires et de larmes, vous embaume le corps d’une fulgurance littéraire repoussante, et vous avorte le coeur de l’enfant que chaque adulte garde en lui. Bref, une dissection au scalpel des cinq fichues lettres qui nous font vivre et mourir : Amour ; et de leur linceul : Blanc comme neige qui parfois prend la forme d’un lit de roses.

Avare de compliments, le Magazine Rolling Stone lui a quand même accordé 5 étoiles qualitatives.

27,55€ c’est cher mais il faut les rapporter au bonheur que nous procure l’objet. Car Blanc n’est pas un livre. Il sera bien davantage : une pièce unique dans votre bibliothèque.

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7 novembre 2011

Denis a chaud à sa géographie...

Denis Lachaud a du talent. Denis Lachaud écrit de belles histoires. Denis Lachaud apprend l’allemand et il s’est depuis peu mis à l’hébreu pour son sixième roman dans lequel il reprend l’évocation géographique du premier, « J’apprends l’allemand », à savoir quitter un pays pour en rejoindre un autre, inconnu.
Frédéric vit à Berlin, dans ce West-berlin si étrange de la guerre froide. Il accompagne ses parents diplomates au fil de leurs nombreuses missions. C’est un garçon issu d’un milieu sans histoire qui devrait en faire un homme sans histoire. Il n’échappera malgré tout pas à son destin lorsqu’arrivant en Israël il tombera d’un pied d’équilibre fragile. Avoir quitté un mur physique (Berlin) pour en découvrir un autre, immatériel, entre les musulmans et les juifs, l’oblige à choisir un camp, c’est à dire une langue. Frédéric apprendra l’hébreu.
On reprochera juste une erreur géographique (et géo-politique) dans les premières pages. L’auteur y évoque Prenzlauer Berg comme un quartier situé en partie occidentale de Berlin à l’époque du Mur, ce qui, bien évidemment, est faux. Prenz’Berg était dans la division orientale du quadripartisme. J’ai demandé à plusieurs personnes de lire ce passage pour me donner leur sentiment. Avais-je mal compris ou y a-t-il bien méprise ? Tous sont formels. Il y a maldonne ou le texte n’est pas clair. Il est vrai que, faute de frappe, RFA devient facilement RDA.
Quoi qu’il en soit, « J’apprends l’hébreu » et « J’apprends l’allemand » sont d’excellents romans.

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7 novembre 2011

Et si Einstein s'était trompé...

Un destin à multiples facettes autour duquel l'on peut tout imaginer. Qu'avait découvert Ettore Majorana ? En savait-il plus sur les postulats de la physique que ses contemporains ? L'on est véritablement happé par cette histoire construite comme un thriller. Anne-Marie Cambon tient le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page grâce à une triangularité obscure : un savant hors du commun à l'égal de Newton et Galilée, une disparition mystérieuse, et un soupçon de science fiction face à des esprits cartésiens. Les éléments sont réunis pour épaissir le mystère d'un homme au destin exceptionnel, parti vers Une destination légèrement incertaine. Laquelle ? Pour essayer de le découvrir, son frère achète les services d’un détective sous les traits d’un soldat américain envoyé en Italie pendant la seconde guerre mondiale. Que découvrira-t-il et par quels moyens ? La réponse est dans ces 350 pages qui se lisent avec la facilité du plaisir. À la fois enquête policière, roman d'anticipation et biographie apocryphe, l'histoire est l'une des plus captivantes de cet automne littéraire. Chapeau bas.

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