L'Aigle et la Synagogue, Napoléon, les Juifs et l'État
EAN13
9782213639420
Éditeur
Fayard
Date de publication
Langue
français
Fiches UNIMARC
S'identifier

L'Aigle et la Synagogue

Napoléon, les Juifs et l'État

Fayard

Indisponible

Autre version disponible

On sait quelle oeuvre pionnière a accomplie la Révolution française en
établissant une stricte égalité juridique entre tous les hommes, en donnant
aux protestants et aux Juifs la totalité de leurs droits civiques, et le Code
civil, promulgué en 1804 par le Premier Consul, passe pour avoir consolidé à
jamais ces principes. En ce qui concerne les Juifs, pourtant, c'était sans
compter sur les préjugés très prononcés de l'Empereur conseillé par les
penseurs catholiques réactionnaires comme Bonald.

Ne se met-il pas en tête, en effet, de convoquer une assemblée de « notables »
à qui il enjoint de former un « Grand Sanhédrin » qui se réunit il y a deux
siècles, en février 1807, et désignera un Consistoire central, bref des
interlocuteurs plus faciles à surveiller auxquels il entend imposer des
mesures discriminatrices concernant le mariage, la conscription, la liberté
d'aller et de venir ou encore celle de s'établir ? Voilà une entorse de taille
aux principes de 89 : les intéressés, feignant de l'ignorer, s'en tiennent au
Code civil, désireux qu'ils sont de se conformer seulement à la « loi du pays
» qui doit régir de la même manière tous les citoyens. Ils font même assaut
d'éloges et célèbrent sans rire… la Saint-Napoléon ou chantent, dans
d'innombrables poèmes et odes, la gloire impérissable de l'Aigle dont les
ailes sont supposées les protéger.

Mais l'Empereur ne s'arrête pas là. Par une série de décrets pris, en mars
1808, à l'instigation des franges les plus réactionnaires, il leur impose des
restrictions juridiques allant à l'encontre de la loi commune, qui dénotent
une franche hostilité à l'endroit de ceux qu'il qualifie de « sauterelles »,
de « corbeaux » ou de « nouveaux féodaux » et autres amabilités qui feront,
tout au long du xixe siècle et jusqu'à Vichy, les délices des pamphlétaires
antisémites.

Ce qui est surprenant - réconfortant aussi - c'est d'observer que le haut
personnel administratif de l'État (Conseil d'État, préfets…) traîne les pieds,
voire s'oppose franchement, avec un courage admirable, au « décret infâme » ;
c'est probablement même la seule défaite politique interne que l'Empereur ait
dû essuyer.
S'identifier pour envoyer des commentaires.