Brice F.

Éditions Gallmeister

12,00
Conseillé par (Libraire)
11 avril 2024

Un de mes romans préférés !
Truculent, caustique et parfois pastiche des romans d'espionnages, ce roman met en scène un tueur à gages iconique, imprégné de philosophie japonaise et qui vit au Pays Basque.
De l'action, de l'humour, de la spéléologie, et l'une des plus belles description du Shanghaï des années 30...le tout mâtiné d'un poil de mauvaise foi ! Culte !

Conseillé par (Libraire)
4 avril 2024

" Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide,
Et se cognant la tête à des plafonds pourris "

C'est sûr, ce bon vieux Charlie la déconne avait le sens de la formule. Et de l'image.
Le spleen, le ciel bas et lourd qui pèse comme un couvercle, le jour noir plus triste que les nuits, des esprits errants et sans patrie qui se mettent à geindre opiniâtrément, l'angoisse despotique qui plante son drapeau noir...

Il y a un peu de tout cela, dans ce roman culte qu'est "La route" de feu Cormac McCarthy, décédé l'année dernière. Un peu de tout cela dans le récit de la traversée par un père et son fils d'une Amérique post voire franchement apocalyptique, livrée aux nuées de cendres, à la mort, la peur et l'humanité cannibale.
Il y avait un avant et un après la lecture de "La route", ( adapté également au cinéma, avec Viggo Mortensen ).
Il y aura désormais un avant et un après cette adaptation bd de Manu Larcenet.

Un Manu Larcenet en mode Blast, voire presque God mode, ahurissant de maîtrise graphique, de choix des tons, des angles...Certaines planches oscillent entre les gravures de Gustave Doré et de Victor Hugo, matinées de Robert Kirkman. C'est dire.
Une adaptation estomaquante également de la narration, qui restitue les silences, le souffle, l'angoisse suffocante qui accompagne le roman de McCarthy. Et le destin de ses deux personnages principaux.
C'est vertigineux, c'est sublime, c'est désespérant et ça vous laisse en position fœtale, en morceaux, le cœur essoré.
Un chef d'oeuvre.

Conseillé par (Libraire)
19 février 2024

"Rousse était jeune renarde à robe flamboyante, dont beauté et finesse d'esprit attiraient de nombreux soupirants, mais Rousse tous refusait, utilisant griffes et dents, fuite ou combat si nécessaire, dissuadant d'insister mâles plus tenaces. Rousse était libre et solitaire et tenait à le rester."

L'un des bonheurs d'être libraire, c'est de parfois sentir, avant que le livre ne soit sorti, avant de l'avoir ouvert, avoir de l'avoir lu, sentir comme une intuition, un sixième sens. Sentir que le livre que l'on a devant soi possède une aura qui ne trompe pas. Que l'on a affaire à quelque chose de rare.
Rousse ou les beaux habitants de l'univers est l'un de ces textes rares et précieux qui surgissent au cœur d'une énième rentrée littéraire, dans la jungle de la surproduction littéraire, et qui pourtant, sans faire de bruit, viennent illuminer nos yeux d'un vif éclat.

C'est un bref roman, à peine 132 pages. Un bref roman en forme de fable écologique et initiatique, à hauteur de renarde. Car c'est elle, Rousse, l'héroïne de notre histoire. Sur une terre que semble avoir déserté l'humanité, où en tout cas l'humain est absent, les animaux souffrent de la sécheresse. Aussi Rousse, animée d'un furieux désir de vivre, décide de partir pour une longue odyssée, à la recherche d'un pays de cocagne, d'un lieu où s'arrêter, d'une rivière à laquelle s'abreuver. Sur son chemin elle rencontrera bien-sûr obstacles, surprises, et amitiés. Sans renoncer jamais à son bien le plus précieux :  sa liberté.

Ce premier roman de Denis Infante, dont on sait peu de choses, a cela d'extraordinaire que la simplicité de la fable est sublimée par un style incroyable. En faisant le choix de supprimer les articles définis et indéfinis, l'auteur ramène le récit à l'essentiel: la course de Rousse, au ras du sol, en contact direct avec le réel, ses sensations, sa conscience. Ce n'est plus "un arbre" mais "arbre" que l'on voit, et peut-être ne l'a t-on jamais aussi bien vu cet arbre là, qu'à travers ces yeux roux.

C'est un court roman lumineux, vivifiant, un cadeau que nous offrent Denis Infante et les éditions Tristram. Une bouffée d'air aussi, en ces temps gris, tel que le rappelle Jean Giono dans l'exergue :

"Dans tous les livres actuels on donne à mon avis une trop grande place aux êtres mesquins et l'on néglige de nous faire percevoir le halètement des beaux habitants de l'univers."
Jean Giono, "Le chant du monde" in Solitude de la pitié

Conseillé par (Libraire)
15 janvier 2024

Jubilatoire !

Stella a 19 ans, et elle fait des miracles. Paralytiques, aveugles, cancéreux en phase terminale, psoriasiques niveau F, elle les guérit tous, un par un, alors qu'ils se succèdent dans sa caravane. Parce que Stella se prostitue, et les miracles, et bien elle les réalise avec sa Sainte Chatte !
Pour le Vatican, c'est du pain béni ( celle là elle était facile, ne me remerciez pas ), une sainte au XXIe siècle, pensez donc ! Seulement une sainte-pute, ça fait tâche, mieux vaudrait une sainte martyre. Et c'est là que les deux jumeaux Bronski interviennent, affreux tueurs type Anton Chigurh, et se lancent aux trousses de Stella, à travers l'Amérique !

Dans "ce roman américain écrit par un suisse", Joseph Incardona régale, et se moque. De lui même pour commencer, et de sa fascination pour la culture américaine: tout le monde en prend pour son grade ( l'Église, les États-Unis de l'hypocrisie grandiloquente et de la fausse pudibonderie...)
Un road-movie lancé à 88 miles à l'heure à travers une Amérique de cinéma, façon frères Coen. On rit, on jubile, ( Stella, quel formidable personnage !), et on se délecte des dialogues...
Quel pied !

B.

22,00
Conseillé par (Libraire)
2 janvier 2024

"Et je continue à creuser.
Et de nouveaux événements affleurent à chaque pelletée, certains tout à fait oubliés, si totalement oubliés que, l'espace d'un instant, je crains qu'ils n'aient jamais existé, je crains d'être en train de creuser mes rêves et l'ensemble des mondes parallèles que j'ai inventés dans ma tête pour tromper la solitude, adoucir les assauts de la réalité, et j'hésite, en proie au doute, puis je me rappelle les vers écrits par la comète il y a cinq mille ans, ces vers disant que tout ce qu'on a un jour pensé, créé, écrit d'une manière qui a compté, qui a ému, tout cela existe et ajoute des dimensions à l'existence, tout cela l'agrandit et, par conséquent, fait reculer la mort.
Je continue donc à creuser, plus profond encore."

En août 2022, dans un parc londonien, l'auteur aperçoit Paul McCartney se détendant à l'ombre d'un chêne. Il est pieds nus, comme sur la pochette d'Abbey Road. L'auteur ne peut pas laisser passer l'occasion de parler à l'idole de sa jeunesse, et cherche la meilleure façon de l'aborder, la meilleure phrase, les meilleurs mots. Mais la vision de l'ancien Beatles fait remonter en lui un déluge d'émotions, un océan de souvenirs et de récits qu'il aimerait partager. Mais comment ? D'abord, il s'agirait de trier, réarranger, mettre de l'ordre dans cet univers entier qui remonte à la surface. Mais avant tout il faut attacher ses ceintures car le voyage ne sera pas sans heurts. Un voyage dont le point de départ semble être l'intérieur d'une vieille Trabant,
où le père dit à l'enfant :
" Je crains que ta mère ne soit morte.
Oui, c'est la réalité, je crains que ce ne soit la réalité."

Un nouveau roman du poète et romancier islandais Jón Kalman Stefánsson est toujours pour moi un événement. Une excitation à chaque livre, depuis le choc littéraire que fut pour moi la lecture de la trilogie initiée par Entre ciel et terre.
Et d'autant plus lorsque cela s'accompagne d'un passage chez une maison d'édition dont j'apprécie particulièrement la ligne : Christian Bourgois.

Dans Mon sous-marin jaune, Jón Kalman Stefánsson exhume. Ses propres souvenirs d'enfance, la mémoire de sa mère décédée, la relation au père, les leçons de catéchisme incompréhensibles, les amis disparus, les étés passés dans la beauté sauvage des fjords de l'Ouest, là où les morts parlent, où Jésus et Ringo Starr jouent à saute-mouton, où la solitude trouve son remède dans l'imaginaire...
Là où les histoires que l'on se raconte se confondent, aussi, jusqu'à peut-être devenir la réalité. Mais au fond, c'est quoi la réalité ?
Et alors oui, dans ce cas, une Trabant peut tout à fait surgir directement de la fin des années 60 et faire irruption en 2022 dans un parc londonien, sous les yeux médusés de Paul McCartney.

Dans Mon sous-marin jaune, Jón Kalman Stefánsson exhume. Et nous livre un roman audacieux, virevoltant d'imaginaire et de sensibilité. Son roman le plus autobiographique, sans nul doute, et qui donne certaines clés pour saisir la profondeur de son œuvre.

Voilà, l'année vient à peine de commencer, et mon cœur est déjà emporté, dans une vieille Trabant vers les fjords de l'Ouest,
sur l'air d'A Day in the life.
On s'y rejoint ?